Chapitre introductif : les alliances
de marques et la notion de co-branding
Dans un contexte à forte
concurrence, les marques s’associent de plus en plus dans le cadre
de campagnes publicitaires, d’opérations promotionnelles
ou encore dans la conception de produits.
Devenu un outil stratégique, l’alliance de marques se définit
comme l’association, à plus ou moins long terme, entre deux
ou plusieurs marques [1]. Trois principales
formes d’alliances de marques se distinguent :
- le développement partagé (co-développement),
- le co-branding (co-dénomination),
- et la communication conjointe (co-communication).
Chacune de ces alliances de marques présente une forme bien particulière
et donne place des stratégies bien spécifiques [1].
Voici un rappel de ces trois types d’alliance.
1 Les alliances stratégiques de marques
1.1 Le développement partagé
d’un produit
Située au niveau de la conception ou du processus de fabrication
d’un produit, le co-développement nécessite plusieurs
savoir-faire et se développe à travers deux stratégies
de marque distinctes, la stratégie monolithique et la stratégie
d’endossement.
La stratégie monolithique consiste à dénommer le
produit par un nom unique. Cette dénomination doit être nouvelle
et totalement indépendante des marques conceptrices. Il est ainsi
essentiel que le nouveau produit ne soit en aucune manière co-signé
par les marques impliquées. A travers cette dénomination
spécifique, le produit se voit alors accorder sa propre identité.
Il est à noter que cette stratégie peut également
donner place à une production conjointe d’un produit mais
à une distribution distinctes sous deux marques différentes
[1].
Quant à la stratégie d’endossement, elle a pour objectif
l’authentification des marques partenaires, ou de l’une d’entre
elles, à travers la dénomination du produit. En s’identifiant
clairement, les marques partenaires apportent ainsi une caution de taille
au nouveau produit [1].
1.2 La communication conjointe
Cette forme d’alliances de marques se situe
uniquement au niveau de la publicité et de la promotion du produit
co-développé. Elle se caractérise ainsi par le rapprochement
des différentes marques sur le support de communication proprement
dit [1].
A l’exception de leur présence sur le produit même,
les marques peuvent être visibles sur n’importe quel support
de communication quelle que soit sa nature, affiches, spots télévisés,
encarts presse… Deux types de promotions se distinguent. D’un
côté, les publicités jointes , où une marque
préconise une autre, et de l’autre côté, les
promotions couplées, où le consommateur reçoit un
avantage spécifique en achetant le produit (vente par lot regroupant
des marques complémentaires) [1].
1.3 Le co-branding
Le co-branding, ou la co-dénomination, se
caractérise par l’association permanente d’une seconde
marque (marque invitée) à la marque du producteur (marque
d’accueil), sur un ou plusieurs produits. Cette alliance de marques
se distingue à travers deux types de stratégies différentes,
la co-dénomination de type fonctionnel et celle de type conceptuel.
Le co-branding fonctionnel consiste à indiquer sur le produit une
ou plusieurs marques impliquées dans sa fabrication. La collaboration
des deux marques au niveau des attributs physiques du produit est ainsi
mise en exergue. La marque invitée vient ainsi indiquer la présence
d’un composant spécifique dans la fabrication du produit
[1].
Quant au co-branding conceptuel, il se distingue par l’apposition
d’une seconde marque génératrice d’attributs
symboliques additionnels sur le produit. La dénomination du produit
est alors constituée de l’association des deux marques [1].
Voici quelques exemples de stratégies d’alliance de marques
:
Typed’alliances |
Caractéristiques |
Exemples |
Développement
partagé |
Stratégie monolithique
|
- La Smart, conçue
par Mercedes et Swatch |
Stratégie
d’endossement |
- Nestea
: créé par Nestlé et Coca Cola (endossement par
la marque Nestlé).
- Minute Maid : produit par Danone et Coca Cola (cautionné
par Danone)
|
Co-branding |
Type fonctionnel |
- Le rasoir Philips/ Nivéa-
La mousse Yoplait au chocolat Côte D’or
- Le microprocesseur Intel intégré dans les ordinateurs
Compaq, IBM…
|
Type conceptuel |
- Clio/
Chipie
- Twingo/ Kenzo
- 205/ Lacoste
|
Communication
conjointe |
Publicité jointe
|
- La marque New Man qui
recommande la marque Ariel pour le lavage des vêtements délicats.
- Kelloggs et Tropicana qui créent un publicité montrant
leurs produits consommés ensemble au petit déjeuner.
|
Promotion
couplée |
- Carte
de Paiement Air France/ Amerincan Express qui à chaque utilisation
transforme chacun des achats en Miles Fréquences Plus.
- La marque de rhum Bacardi vendue avec une bouteille de Coca Cola. |
2 Le co-branding
La plupart des recherches menées sur le co-branding
s’entendent pour dire que ce type de stratégie ne s’applique
uniquement lorsque des marques s’associent pour co-signer un produit.
Cela se traduit donc par la présence même des marques sur
le produit. Le co-branding se définit donc par la collaboration
entre deux marque impliquant la co-définition du produit, au niveau
fonctionnel ou conceptuel, et par la co-signature du produit par les marques
partenaires.
2.1 Les spécificités du co-branding
Le co-branding, ou le rassemblement de deux ou plusieurs
marques indépendantes au bénéfice d’un nouveau
produit, est perçu comme le développement légitime
suivi par une marque afin de bâtir ou de maintenir un avantage concurrentiel
[8].
Il est important de remarquer que la stratégie de co-branding suppose
une distinction entre la marque d’accueil et la marque invitée,
distinction non présente dans le cas des autres stratégies
d’alliance de marques [1].
Deux critères sont à prendre en compte lors de l’analyse
d’une stratégie de co-branding :
- la nature des attributs du produit co-brandé. Le co-branding
fonctionnel est basé sur les caractéristiques techniques
du produit, alors que le co-branding conceptuel est lui fondé sur
les attributs symboliques additionnels.
- l’exclusivité du co-branding. Une distinction est effectivement
observée sur la limitation d’application de la collaboration
entre la marque invitée et la marque d’accueil.
En tenant compte de ces deux critères, quatre
types de co-branding sont à dissocier :
- le co-branding conceptuel exclusif,
- le co-branding conceptuel non exclusif,
- le co-branding fonctionnel exclusif,
- et le co-branding fonctionnel non exclusif.
2.1.1 Le co-branding conceptuel
exclusif
Dans cette stratégie, la marque d’accueil
fait figurer sur son produit une marque extérieure à sa
catégorie. L’objectif est bien de provoquer un transfert
d’image de la marque invitée vers le produit dans l’esprit
des consommateurs. Couramment utilisée dans le secteur de l’automobile
(comme par exemple, 106 Eden Park, Clio Chipie…), cette stratégie
permet de cibler de manière précise un segment donné
de clientèle présentant un fit particulier avec la marque
invitée [1].
2.1.2 Le co-branding conceptuel non exclusif
Contrairement au co-branding conceptuel exclusif,
cette stratégie peut, par le nombre parfois trop important de partenaires,
réduire l’impact de l’alliance entre les deux marques.
De plus, si le capital de la marque invitée est supérieur
à celui de la marque d’accueil, cette dernière peut
être occultée par la marque extérieur à la
catégorie [1].
2.1.3 Le co-branding fonctionnel exclusif
Cette stratégie repose sur la volonté
de communiquer sur l’association de deux savoir-faire. La marque
invitée figure alors en bonne place à côté
de la marque d’accueil, mais ne participe pas forcément à
la dénomination du produit. Son statut de composant est explicite,
mais le caractère exclusif de l’alliance permet à
chacune des deux marques de bénéficier d’un transfert
des éléments du capital de l’autre marque [1].
2.1.4 Le co-branding fonctionnel non exclusif.
Cette alliance ne représente pas un bénéfice
claire pour la marque d’accueil dans la mesure où la marque
invitée va également se trouver apposée sur d’autres
produits de la même catégorie. Le consommateur risque donc
de considérer la présence de la marque invitée comme
l’une des caractéristiques communes de ce type de produit
[1]. Toutefois, la marque invitée peut
apporter à la marque d’accueil la garantie de qualité
de l’un de ses composants, cette dernière bénéficiera
donc de la forte notoriété de la marque invitée.
Afin de mieux comprendre cette classification des formes de co-branding,
voici quelques exemples :
|
Conceptuel |
Fonctionnel |
Exclusif |
Saxo/Bic
306/Rolland Garros
|
Yoplait/Côte d’Or
Philips/Nivéa |
Non exclusif |
WaltDisney (Nestlé…)
Lacoste(Peugeot..)
|
Lycra (Dim, Well…)
Intel (IBM, Compaq...) |
2.2 Les objectifs du co-branding
Le caractère exclusif ou non d’une opération
de co-branding a un effet sur les retombées de cette dernière,
mais c’est davantage le type de stratégie qui est déterminant.
Effectivement, les effets seront différents qu’il s’agisse
d’une stratégie de type fonctionnel ou d’une stratégie
de type conceptuel.
2.2.1 Le co-branding fonctionnel
Dans un premier temps, le co-branding fonctionnel
apporte un gage de qualité au produit. En effet, le nom de marque
est un signe de qualité, il aide généralement les
utilisateurs à comprendre les caractéristiques de l’offre.
Ainsi, en se regroupant, deux marques peuvent associer leur notoriété,
leur publicité et la confiance que les consommateurs leur témoignent.
En cohabitant, deux marques renforcent donc la caution sur un produit
montrant bien qu’une double signature apporte plus de valeur que
le concurrent.
Un deuxième objectif peut être l’élargissement
du territoire de la marque invitée. En effet, en associant à
une marque d’accueil ayant un secteur d’activité totalement
différent, la marque-invitée cherche à développer
son territoire produit et à attirer toucher une nouvelle cible.
2.2.2 Le co-branding conceptuel
Les objectifs poursuivis par ce type de co-branding
sont le transfert d’attributs symboliques et l’élargissement
du territoire. En effet, l’information, que le consommateur possède
sur une marque, qu’elle soit objective ou subjective, est transférée
sur les différents produits qu’elle signe, notamment comme
marque secondaire.
Le co-branding peut également représenter une alternative
de la stratégie d’extension de marques et permet de développer
la notoriété de la marque. Le co-branding permet à
la marque-invitée d’améliorer sa visibilité
à un moindre coût, de pénétrer de nouveaux
marchés et de recruter de nouveaux acheteurs.
De plus, un produit en extension sera certainement mieux évaluer
par les consommateurs lorsqu’il est issue d’un co-branding
que s’il émane d’une stratégie d’extension
de marque. Comme par exemple, dans le cadre d’un lancement de produit
sur un marché étranger, une marque étrangère
est mieux évaluée lorsqu’elle s’allie avec une
autre marque pour lancer son produit.
Ainsi, une stratégie de co-branding représente certains
avantages compétitifs [8]:
- l’augmentation des ventes dues à une expansion sur le marché,
ou dues à l’accès à de nouveaux marchés
(géographiques, secteurs…),
- l’augmentation des avantages-clients et donc de leur satisfaction
et de leur fidélité,
- l’accès simplifié à une technologie,
- et la diminution des coûts de pénétration d’un
marché.
Malgré tous les bénéfices
qu’une stratégie de co-branding peut apporter, il est important
de noter que ce type de stratégie cherchera avant tout à
offrir un véritable «plus» aux consommateurs, mais
qu’elle n’est pas sans risques pour les marques partenaires.
2.3 Les risques du co-branding
Au même titre que la stratégie d’extension
de marque, la combinaison de deux marques pose la question des retombées
négatives éventuelles sur les marques partenaires. Deux
risques majeurs peuvent intervenir dans une stratégie de co-branding
à savoir la dilution de l’image de marque et la cannibalisation
des produits et des marques partenaires [1-10].
2.3.1 Dilution de l’image de marque
En mettant en place une stratégie de co-branding,
une marque ne doit pas omettre que non seulement elle se lie avec une
autre marque mais que elle s’associe surtout avec ses valeurs et
son image. Les consommateurs peuvent être troublés par l’association
de marques qui présentent des caractéristiques différentes,
et par conséquent l’image des marques peut être modifiée
et perdre de sa signification.
Pour limiter la dilution de l’image des marques, il est primordial
que les marques associées présentent des images et des valeurs
cohérentes. Ainsi, le co-branding peut présenter des risques
de ce type pour les deux parties, plus spécifiquement dans le cas
d’un co-branding conceptuel, assimilable à une forme «d’extension
de marque» pour la marque secondaire.
Dans le cadre d’un co-branding fonctionnel, il faut que les deux
partenaires soient d’un même niveau de qualité. Si
une marque est perçue comme de moindre qualité, les deux
marques peuvent être affectées par la réaction négative
des consommateurs tout en sachant que le risque est plus élevé
pour la marque à forte réputation.
2.3.2 Cannibalisation des produits des marques partenaires
Une opération de co-branding peut remettre
en question la cohésion d’une gamme de produits lorsque le
produit co-signé est positionné sur un marché proche
des produits d’une des marques alliées. Un produit co-brandé
peut donc créer une confusion des produits et des marques dans
l’esprit du consommateur. Dans l’exemple du rapprochement
entre la crème glacée Häagen Dazs et de la marque de
boisson alcoolisée Baileys pour donner naissance à un nouveau
parfum, il est probable que les consommateurs préfèreront
le produit Häagen Dazs/Baileys au détriment des autres parfums
de la gamme et que certains consommateurs de Baileys se satisferont uniquement
de la consommation de crème glacée. L’effet de substitution
n’est absent que lorsque le produit co-signé est différent
(nature et fonctions) des produits existants de la marque. Ce type de
risque est donc majeur dans le cas d’un co-branding fonctionnel
; ce dernier peut, en effet, être assimilé à une forme
«d’extension de gamme» ou de «complément
de gamme» pour la marque d’accueil [2].
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